Espoirs et risques liés aux plantes transgéniques

Pr M Boutry, Faculté d'Agronomie, Université Catholique de Louvain
UCL-FYSA, Croix du Sud, 2-20, B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgium
Tel: 32 10 473621 boutry@fysa.ucl.ac.be


Introduction
L’amélioration végétale
Le génie génétique
Les risques liés au génie génétique
Les applications
Conclusions

Introduction

Les plantes transgéniques, ou modifiées génétiquement, suscitent la crainte. Il s’agit en partie d’une appréhension instinctive que l’homme a toujours eue face à une nouvelle technologie à laquelle il ne s’est pas encore habitué. Cependant, s’il convient de dépasser cette crainte irrationnelle, il faut aussi que les applications du génie génétique, que ce soit dans le domaine des plantes ou dans d’autres, soient très sérieusement évaluées avant d’être utilisées à grande échelle.

L’amélioration végétale

Tout être vivant se développe selon un programme génétique qui lui est propre et qui est transmis de génération en génération. Ce programme est contenu dans les gènes (environ 25.000 chez les plantes) présents dans le noyau de chaque cellule. Il en résulte que, si des plantes ont des propriétés agronomiques ou nutritionnelles différentes, c’est parce que leurs programmes génétiques sont différents. " C’est inscrit dans les gènes " dit-on parfois. Cependant, les espèces vivantes ne sont pas immuables. Elles évoluent au cours du temps parce que le génome (l’ensemble des gènes) se modifie. Sans cela, nous ne connaîtrions pas la grande diversité du monde vivant et nous n’existerions pas sur cette terre. En outre, la reproduction sexuée est un formidable facteur de renouveau puisqu’elle mélange à chaque génération la moitié de l’information génétique de chaque parent. C’est sur ce principe qu’est basée l’amélioration végétale qui a débuté il y a 10.000 ans, lorsque l’homme est devenu sédentaire et donc cultivateur, et qui consiste à remanier l’information génétique au gré des croisements entre variétés, parfois entre espèces. La modification génétique des plantes, à proprement parler, n’est donc pas récente.

Le génie génétique

Le génie génétique est apparu au début des années 1970 et comprend un ensemble de techniques qui permettent de prélever un gène d’une espèce et de le transférer à une autre. Par rapport à l’amélioration traditionnelle, le génie génétique se distingue à deux niveaux. Il n’est pas limité à des espèces sexuellement compatibles et il consiste à transférer un seul ou un petit nombre de gènes alors que la reproduction sexuée met en jeu environ 25.000 gènes à chaque croisement.

Les risques liés au génie génétique

Il existe deux types de risques associés aux plantes transgéniques qu’il convient d’évaluer avant toute application. Tout d’abord, les risques alimentaires. La plante modifiée génétiquement (ou ce que l’on en extrait) ne risque-t-elle pas de contenir des produits toxiques ou allergènes pour l’homme ou l’animal qui la consomme ? Plusieurs tests permettent de répondre à cette question. Il faut rappeler ici que l’amélioration traditionnelle, qui résulte aussi d’une modification de l’information génétique, n’est pas exempte de ce risque. Quelle que soit la technologie utilisée pour modifier les espèces végétales, il convient de tester celles-ci de manière appropriée. En outre, il est normal que les plantes transgéniques et les produits qui en dérivent soient clairement étiquetés. Non pas parce qu’il y a danger (les tests préalables devraient écarter ce cas de figure), mais parce que le consommateur a le droit à l’information.

Il faut ensuite envisager les risques écologiques. Le gène introduit dans une plante de culture ne risque-t-il pas d’être transféré, par croisement cette fois, à des espèces sauvages ? La réponse est assez bien connue selon les espèces. Par exemple, il n’existe pas d’espèces sexuellement compatibles avec le maïs. En revanche, il est clair que le colza peut se croiser avec des espèces sauvages. Vient ensuite une seconde question. S’il y a transfert, celui-ci entraîne-t-il un danger ? Cela dépendra du gène transféré et donc une évaluation sérieuse devra être effectuée en milieu contrôlé avant de relâcher la plante dans la nature.

 

Les applications

Que peut-on espérer des plantes transgéniques ? Les applications d’aujourd’hui (par exemple la résistance aux insectes, aux herbicides) ne sont que des balbutiements. On peut espérer beaucoup mieux. Le cultivateur attend des plantes plus performantes. Par exemple, plutôt que d’améliorer la croissance avec force d’engrais, on pourrait faire en sorte que la plante utilise mieux ce qui est disponible dans le sol. La résistance aux ravageurs, aux pathogènes, aux conditions climatiques extrêmes peut être améliorée. C’est notamment le cas dans les pays du tiers-monde où les pertes liées à ces problèmes sont importantes. Par exemple, des chercheurs viennent d'obtenir des plants de tomate capables de pousser dans des milieux salins. Pour le consommateur, on entrevoit l'amélioration de la qualité des aliments : une meilleure saveur, une conservation prolongée, une composition plus équilibrée en protéines, en sucres, en graisses, la présence d’éléments nutritifs,… Enfin, on songe à faire produire par les plantes des produits à usage thérapeutique ou industriel.

 

Conclusion

Le génie génétique est une nouvelle technologie qui vient s’ajouter à des approches plus traditionnelles. En soi, une technologie n’est ni bonne, ni mauvaise. C’est bien sûr l’usage que l’on en fait qui détermine son utilité ou sa nocivité. Il n’y a pas lieu de céder aux cris alarmistes et, surtout, irrationnels qui voient là l’invention du diable. En outre, il ne faut pas tomber dans le simplisme qui fait du génie génétique l’apanage des multinationales. En revanche, il est nécessaire d’évaluer très sérieusement et cas par cas les risques alimentaires et écologiques des plantes modifiées par génie génétique, ainsi que celles obtenues par des méthodes plus traditionnelles. Ce n’est qu’alors que l’on pourra envisager avec sérénité les nombreuses applications que l’on peut attendre de cette nouvelle technologie.